Le 23 septembre, Mahmoud Abbas est venu devant l’assemblée générale des Nations-unies déposer la demande d’adhésion de la Palestine en tant qu’État. Le président de l’Autorité palestinienne a prononcé un discours de 45 minutes pour relater sa version des faits et décrire l’espoir que cette initiative laisse entrevoir. Reporter citoyen donne quelques extraits de ce discours avant de dresser l’état des lieux du rapport de forces international.

« La question Palestinienne est depuis toujours liée à l’Onu, et donc la responsabilité internationale est importante. Nous souhaitons la présence de la Palestine à l’Onu pour aboutir à la paix. L’occupation par la force d’Israël est en contradiction avec les principes onusiens. Le mur construit est discriminatoire, il entraîne des dégâts. Les refus de permis de construire aux Palestiniens et les confiscations de terre relèvent de l’épuration ethnique. Les colons commettent des crimes permis par Israël et ainsi se détruisent les espoirs de mise en place de deux États. Cela peut nous mener à un conflit religieux. Les mesures unilatérales d’Israël renforcent l’occupation, malgré les accords qui l’interdisent.

Les Palestiniens ont déjà abandonné 22 % de la Palestine en signant la déclaration d’Alger, un pas historique et une concession importante.

Nous souhaitons une paix juste et durable, qui passerait par la réalisation des droits palestiniens en créant un État (sur la base des frontières de 1967), la libération des prisonniers de la liberté et l’arrêt immédiat de la colonisation.

Par cette action, nous ne voulons pas prendre des décisions unilatérales, nous ne voulons pas isoler ou délégitimer Israël, mais nous voulons délégitimer la colonisation, l’apartheid.

Bâtissons des ponts de dialogue au lieu de construire des murs ! Construisons deux pays voisins !

Nous sommes prêts à un État immédiat, nous ne pouvons plus aller vers l’impasse. Il ne faut pas tarder jusqu’à l’explosion de cette crise.

Les négociations n’ont pas de sens sans calendrier et l’occupation vise à changer les frontières. Nous sommes le dernier peuple sur cette planète à être occupé.

Le monde va t-il permettre qu’Israël reste un État au-dessus de la loi ? La dernière occupation va t-elle continuer ? Le monde va t-il continuer à le permettre?

63 ans de souffrance, ça suffit, ça suffit, ça suffit ! »

(extraits du discours de Mahmoud Abbas le 23 septembre à l’Onu)

Le positionnement international

Le 23 septembre 2010, Barak Obama affirmait : « Nous pouvons revenir l’année prochaine avec un accord qui amènera un nouvel État membre aux Nations-unies. Un État palestinien indépendant et souverain, qui vive en paix avec Israël ».

Mais les élections approchant et voyant sa côte de popularité baisser chez les juifs américains – en cause, la campagne lancée par les Républicains qualifiant l’administration Obama d’« antisioniste » -, le président américain a assuré qu’il opposerait son véto, si jamais le conseil de sécurité émettait un avis favorable. Il faut 9 voix sur 15 pour que la requête palestinienne soit acceptée au sein de ce conseil, mais l’un des cinq membres permanents (Russie, Chine, France, Etats-Unis, Royaume-Uni) peut utiliser son droit de veto pour bloquer la décision. Ce qu’a prévu de faire Barak Obama, en froid avec Mahmoud Abbas depuis maintenant deux ans.

Du côté de l’Europe, les avis divergent. De nombreux acteurs politiques de la scène européenne, comme le Français Bernard Kouchner ou les Espagnols Javier Salana et Miguel Angel Moratinos, sont depuis longtemps favorables à une résolution du conseil de sécurité qui mènerait à la reconnaissance directe d’un État palestinien avant même de discuter des frontières. Ceci en raison de la nécessité d’une nouvelle approche pour résoudre le conflit puisque, depuis toujours, les négociations n’aboutissent pas.
Nicolas Sarkozy, lui, ne se positionne pas et propose l’alternative du « statut intermédiaire d’État observateur permanent ».

Catherine Ashton, la haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, devra donner dans les jours qui viennent sa position pour l’Europe à New York. Actuellement trois groupes se sont formés au sein de l’UE. L’Espagne, le Portugal, la Suède, la Belgique et l’Irlande sont favorables à la création d’un État palestinien par résolution du conseil. L’Allemagne, les Pays-Bas, la Pologne, l’Italie et la République Tchèque s’y opposent. La France et le Royaume-Uni n’ont pas encore pris position.

A la cacophonie qui pourrait voir le jour au sujet de la position européenne, deux diplomates finlandais et espagnol, dans une tribune publié par le quotidien espagnol El Pais, faisaient une remarque intéressante : dans le contexte du printemps arabe, si les Européens ne soutenaient pas l’accomplissement palestinien de septembre, ils seraient perçus comme incohérents et injustes en aidant activement et militairement certains pays alors que Mahmoud Abbas, lui, use d’un moyen démocratique et pacifiste.

Enfin, la plupart des pays émergents sont favorables à la démarche. Le Brésil, l’Inde, la Russie, la Chine soutiendront les Palestiniens, qui peuvent également compter sur le Liban et le Nigeria. Le Gabon et la Bosnie-Herzegovine ne se sont pas encore prononcés.

Le Hamas contre l’initiative de Mahmoud Abbas

Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, ne soutient pas la démarche de l’Autorité palestinienne. Certains de ses dirigeants reprochent à Mahmoud Abbas d’avoir décidé seul, sans proposer « une stratégie nationale unifiée ». Mustaf as-Sawaf, rédacteur en chef du journal Felesteen (affilié au Hamas), regrette ce que cela implique:  « Renoncer à un État comprenant la totalité de la Palestine et perdre le levier de négociation qu’est le premier plan de partage de l’Onu de 1947, donnant plus de terre aux Palestiniens ».

Cela reviendrait également à reconnaître la souveraineté de l’État d’Israël, ce que le Hamas a toujours refusé. La demande de Mahmoud Abbas ne traite pas non plus de la question du « droit au retour » des 4,3 millions de réfugiés vivant dans les pays arabes voisins et poussés à l’exode en 1948.

Globalement, si l’Autorité palestinienne réussissait, ce serait pour Mustafa as-Sawaf « une victoire symbolique qui entraînerait beaucoup de sacrifices pour les Palestiniens et qui n’améliorerait pas les conditions de vie sur le terrain, puisque l’occupation dominerait encore les territoires ».

A l’inverse, si Mahmoud Abbas échouait, le Hamas, qui a déjà le vent en poupe, pourrait en profiter pour accroître sa popularité en montrant du doigt les traîtres du Fatah et en renforçant les positions du parti, à savoir qu’« il n’y a rien à attendre des Américains et des Européens ».

Cela dit, le Hamas n’est pas unifié dans sa position, et quelques membres du parti appellent à soutenir l’initiative.

Du côté d’Israël

Israël connaît le gouvernement le plus à droite de son histoire.
Advigor Lieberman, ministre des Affaires étrangères et ultra-nationaliste de la diplomatie israélienne, a qualifié la démarche d’Abbas, d’« unilatérale » en l’accusant de programmer « un bain de sang sans précédent ». Le gouvernement israélien ne se laissera pas faire. Il menace d’ailleurs le peuple palestinien de représailles sans en préciser la nature : « Il y aura des conséquences dures pour les Palestiniens », a affirmé Lieberman.

Le dimanche 25 septembre, le gouvernement de Tel Aviv a déclaré qu’il était favorable à l’adoption du plan du Quartet pour parvenir à un accord avant la fin 2012.
Si jusque-là il n’y a pas eu reprise des négociations, c’est qu’Israël a refusé le gel des constructions dans les colonies, demandé par les Etats-Unis et l’Autorité palestinienne avant de reprendre les pourparlers en mars 2010. Le gouvernement israélien veut une négociation directe et peut compter sur l’appui des Etats-Unis. « Les Palestiniens ont le mérite d’avoir un État, mais cet État doit faire la paix avec Israël. Leur tentative de court-circuiter le processus, de ne pas négocier pour obtenir le statut d’État via les Nations-unies, et bien cela échouera », déclarait Benjamin Netanyahu en présence de Barak Obama.

En attendant, Israël forme ses colons pour se défendre et entretient la peur d’une troisième intifada. Ce qui, dans le cas palestinien, serait également un désastre et détruirait le renforcement économique et institutionnel, c’est-à-dire l’« État viable », que s’efforce de construire l’économiste Salam Fayyad depuis son élection en 2007 comme Premier ministre de l’autorité Palestinienne.

Ainsi le chemin vers une Palestine libre semble encore bien long et parsemé d’obstacles. Comme des montagnes incontournables qu’il faut bien franchir pour continuer de marcher.

Ayann Koudou

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