A Dakar, en marge du FSM, Ayann (Boulogne-Billancourt) et Khalid (Créteil) ont rencontré une association qui veut changer en profondeur les écoles coraniques. En commençant par ne plus inciter les enfants à mendier dans la rue.

 


Reportage : « Les talibés » Enfants des Rues… par reportercitoyen

« Non à la mendicité des enfants, oui aux Daaras modernes ! », « Arrêtons de donner aux enfants talibés ! ». Ces slogans, lancés par une association sénégalaise, me frappent lors de la manifestation d’ouverture du Forum social mondial, le 6 février 2011 à Dakar. Des questions me viennent alors à l’esprit. Qu’est-ce qu’un « Daara », moderne ou non ? Qu’est ce qu’un talibé ? Pourquoi les Sénégalais contribuent-ils à la mendicité de leurs petits en leur donnant ce qu’ils demandent ?

On me présente alors l’Imam Oustaz Diane. Il fait partie du Collectif pour la modernisation des Daaras. Il a peu de temps à m’accorder, mais m’explique de manière claire et précise le problème des petits talibés et de la mendicité.

Un Daara est une école coranique. Au Sénégal, où plus de 90% de la population est de confession musulmane, tous les enfants, notamment les garçons, sont envoyés dans ces écoles. On y apprend le Coran et l’arabe. Durant mon enquête, je prendrai soin de demander à tous les Sénégalais rencontrés s’ils ont fait l’école coranique : effectivement, aucun ne me répondra par la négative.

Si on envoie son enfant dans un Daara, c’est souvent pour lui donner une chance d’apprendre davantage. S’il connaît le Coran et qu’il séjourne dans une école coranique, il deviendra quelqu’un d’instruit, d’éduqué et détiendra des valeurs qui l’aideront face à un avenir incertain. Surtout, il sera autonome, et ce très rapidement. C’est aussi pour soulager les familles, qui sont dans des situations de pauvreté s’aggravant avec le temps, qu’on envoie ses enfants dans le Daara, même si ce n’est pas la cause première.

L’imam Diane a lui-même fréquenté le Daara, et y a mendié pendant treize ans. Il m’explique que les écoles coraniques ne sont pas réglementées et que les dérives sont la plaie du pays. Au Sénégal, les marabouts sont censés avoir la connaissance du livre saint. Mais alors que l’Islam et son enseignement sont essentiels dans la culture sénégalaise, l’activité des Daara n’est pas surveillée et tout le monde peut se prétendre marabout. Résultat : beaucoup profitent de la bonne volonté des familles, qui veulent le meilleur pour leurs petits, et réduisent les talibés à la mendicité forcé. Du fait de ces dérives, les enfants talibés sont directement associés à la mendicité. Alors qu’à l’origine, le mot talibé veut dire « élevé » ou « étudiant ».

Autre amalgame à ne pas faire : la mendicité est prohibée dans l’Islam – ce que confirme l’Imam Diane -, mais faire l’aumône au pauvre est obligatoire ! Pourquoi envoyer les petits élèves mendier alors que c’est contraire à la religion enseignée dans ces écoles ? Il est vrai qu’au Sénégal, la mendicité est une pratique culturelle acceptée par la majorité des habitants. A la base, les enfants allaient mendier leur repas. Cela permettait au musulman lambda de faire l’aumône et de mettre en pratique ce que sa religion lui imposait.

Beaucoup de maîtres coraniques au Sénégal demandent à leurs élèves de mendier toute la journée. Les petits sont maltraités, vivent dans des conditions d’hygiène déplorables et n’apprennent absolument rien. S’ils ne ramènent pas d’argent à leur marabout, ils sont battus. Souvent, ils préfèrent ne pas rentrer sans rien. Et finissent dans la rue, errants, en proie à la violence de l’adversité et ne pouvant se construire aucun avenir.

L’Imam Diane est contre la mendicité, mais il considère qu’il a eu de la chance de mendier lorsqu’il était élève dans son Daara. Il pense même que c’est nécessaire à l’éducation des enfants. Aujourd’hui, grâce à son collectif, il lutte, passe à la télé, sensibilise la population, récupère les petits enfants mendiants qui l’appellent à l’aide et crée des Daaras modernes.

Au fait, un Daara moderne, c’est quoi? Une école coranique où on ne mendie pas et où on apprend le français, l’arabe et le Coran. Et pour donner aux talibés la chance de s’ouvrir culturellement, l’Imam Diane a même mis en place un partenariat entre écoles publiques et écoles coraniques.

Ayann Koudou

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